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Devenir ou Destin
En marchant , élaborer nos propres chemins ou bien suivre les vieilles ornières.

Vaste amoncellement de réflexions personnelles sur la vie, la science, la politique, la nature?, l’esprit?, parfois les actualités politiques… Dirigés vers un but : élaborer notre propre chemin afin d’éviter le morbide et prévisible destin capitaliste.

Le tout avec de nombreux détours musicaux.

Les trois figures humaines : foule, communauté, société?. Ou, par ordre d’apparition : communauté, foule, société?. La communauté est un fondement de l’humain ; la foule, un brasier allumé par l’absence, momentanée ou organisée, de toute vie communautaire, et qui peut être entretenu par un spectacle, un prédicateur, une accusation ; la société?, quant à elle, est une communauté agonisant dans les fers, vouée à un travail mécanisé, fonctionnarisé, privé de sa nature? joueuse non agonistique.

La société? a su instrumentaliser la foule, faisant d’elle un avatar de communauté socialement acceptable parce que sans liens communautaires, et plus manipulable que véritablement "régulable", mais la numérisation en cours va résoudre ce problème. Elle est l’auguste intermittent du permanent clown blanc société?.

La communauté est vivante et naturellement durable, tandis que la foule est un acte consommable, un événement, et la société? une machinerie qui s’entretient.


Ainsi y a-t-il une espèce de l’art d’acquérir qui naturellement est une partie de l’administration familiale : elle doit tenir à la disposition de ceux qui administrent la maison, ou leur donner les moyens de se procurer les biens qu’il faut mettre en réserve, et qui sont indispensables à la vie, et avantageux à une communauté politique ou familiale. Et il semble que ce soit de ces biens-là qu’on tire la véritable richesse, car la quantité suffisante d’une telle propriété en vue d’une vie heureuse n’est pas illimitée comme Solon le prétend dans son poème :
« Pour la richesse aucun terme n’a été donné aux hommes. »
Car il y a bien un terme, là comme dans les autres arts : aucun de ces arts, en effet, n’a d’instrument illimité, en nombre ni en grandeur, et la richesse c’est un ensemble d’instruments utilisés dans les familles et les cités.
Qu’il y ait donc un art d’acquisition conforme à la nature? pour les chefs de famille comme pour les hommes politiques, et pour quelle cause, c’est évident.

Mais il y a un autre genre d’acquisition que l’on appelle proprement, et il est juste de l’appeler ainsi, la chrématistique [1], du fait de laquelle il semble n’y avoir nulle borne à la richesse et à la propriété. Beaucoup pensent qu’elle ne fait qu’un avec l’art dont on vient de parler du fait de leur proximité. Mais elle n’est ni identique à l’art en question ni beaucoup éloignée de lui : de ces deux arts, l’un est naturel?, l’autre n’est pas naturel? mais provient plutôt d’une certaine expérience technique.
Aristote, Les politiques [2].

Aristote voit dans l’échange chrématistique une perversion de la forme monétaire de l’échange résultant de la confusion entre le vivre et le bien vivre, les hommes substituant l’argent aux biens d’usage. Un tel processus, qui consiste en une pratique et un savoir de la richesse comme enrichissement infini, implique alors aussi bien la mort de la politique que celle de la philosophie. Il y a dans la chrématistique quelque chose qui résiste au souverain bien, qui ne laisse pas subordonner sa fin à une autre fin et ne se laisse pas inscrire dans la hiérarchie philosophique des savoirs.
Jean-Marie Vaysse, Subjectivité et valeur, dans le numéro 20 de Kairos, 2002 [3].

Il est étonnant de constater à quel point les philosophes d’aujourd’hui se réfèrent encore à des penseurs de l’Antiquité, alors que physiciens et biologistes n’y ont plus recours depuis bien longtemps. Mais ce qui est atterrant, c’est de constater que ce recours des philosophes à des auteurs d’il y a 23 siècles leur est profitable, tout au moins lorsqu’ils s’occupent du politique. Comme si, en ce domaine, nous n’avions pas avancé depuis Platon. Ou bien comme si, après avoir avancé, nous nous étions mis à reculer.

Oui, c’est cela : pendant que les sciences de la matière et du vivant avançaient à grands pas, politiquement nous reculions. C’est cette régression que nous montraient les totalitarismes du XXe siècle, régression que nous avons refusé de voir, préférant mettre uniquement en cause la nature? humaine. C’est de cette régression dont nous parlait Hannah Arendt, elle aussi inspirée par Aristote, dans The Human Condition [4]. Et c’est de cette régression dont nous parle ici Jean-Marie Vaysse : « Si la richesse véritable est la richesse substantielle, liée à une propriété définie et limitée, la pseudo-richesse chrématistique est perte de cette substantialité et limitation. La monnaie se substituant alors à la propriété, nous avons affaire à un simulacre de l’économique qui implique la mort de la cité. » (Jean-Marie Vaysse, même ouvrage)

Nos connaissances et savoirs-faire en sciences de la matière et du vivant se sont accrues parce que le monde de l’« économie politique » en a besoin ; nos connaissances et savoirs-faire politiques (qui incluent la philosophie), s’amenuisent depuis que cette même « économie politique » a étouffé le politique. C’est là le sens de ce propos d’Hannah Arendt dans le même ouvrage :

« Nous sommes devenus excellents dans les travaux que nous exécutons en public, mais notre aptitude à l’action et à la parole a beaucoup perdu de ses qualités depuis que l’avènement du social? les a exilées dans la sphère de l’intime et du privé. On a généralement remarqué cette curieuse disparité ; on en accuse d’ordinaire un prétendu décalage entre nos capacités techniques et notre évolution humaniste en général [...] critique [qui] concerne seulement un changement possible de la psychologie des humains [...] et non pas du monde dans lequel ils vivent. [...] Cette interprétation psychologique, pour laquelle l’absence ou la présence d’un domaine public ne compte pas plus que toute autre réalité tangible du monde, paraît bien douteuse étant donné qu’aucune activité ne peut prétendre à l’excellence si le monde ne lui procure un terrain convenable à son exercice. » [5]

« Notre aptitude à l’action et à la parole a beaucoup perdu de ses qualités depuis que l’avènement du social? les a exilées dans la sphère de l’intime et du privé »… Jadis, et en particulier dans l’Antiquité grecque, c’était l’inverse : les activités techniques productives faisaient partie du domaine privé, l’action et la parole du domaine public. Je doute fort qu’Internet et ses "réseaux sociaux" soient vraiment de nature? à inverser à nouveau la donne. Il faut se débarrasser de l’« économie politique » (qui a enfanté le marxisme aussi bien que le libéralisme).